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Haut-Karabakh : Pourquoi la Russie a tourné le dos aux Arméniens ?


Laurent-Olivier Lord et Vincent Landreville, Étudiants au département de science politique l’Université du Québec à Montréal

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, au centre, le ministre arménien des Affaires étrangères Zohrab Mnatsakanyan, à droite, et le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères Jeyhun Bayramov le 9 octobre 2020 à Moscou. © Service de presse du ministère russe des Affaires étrangères via AP

La région du Sud Caucase défraie rarement les manchettes, à moins bien sûr que les choses tournent très mal. C’est précisément ce qui arriva au mois de septembre dernier, alors que de violents combats éclatèrent autour de la république autoproclamée d’Artsakh, mieux connue sous le nom de Haut-Karabakh. Pourtant, ce conflit ethnique, opposant Arméniens et Azéris pour le contrôle d’un territoire appartenant de jure à l’Azerbaïdjan n’a rien de nouveau : il perdure depuis 1988. Il s’agit d’ailleurs du conflit le plus ancien de l’espace postsoviétique, étant même antérieur à la dissolution de l’Union soviétique.

Mais c’est plutôt l’implication des acteurs étrangers qui retient le plus l’attention dans le conflit. Il y a évidemment l’Arménie, qui, parce qu’elle considère le Haut-Karabakh comme un territoire lui ayant été dérobé, soutient activement les séparatistes arméniens, mais aussi la Russie, qui y revendique le statut d’arbitre en chef, et ce, depuis le tout début du conflit qui se déroule, rappelons-le, dans une région qu’elle considère cruciale à ses intérêts.

Au fil du temps, les autorités russes ont soit tenté de jouer sur les deux tableaux, soit adopté une position neutre. En fait, il peut se révéler assez difficile de trouver un fil conducteur dans la stratégie de Moscou dans ce conflit qui, depuis 32 ans, alterne entre périodes d’accalmies et échauffourées incessantes. Sous Vladimir Poutine, la position de la Russie vis-à-vis du conflit a semblé beaucoup plus neutre. En effet, la Russie de Poutine a assumé une position de médiateur investi à réellement résoudre le conflit et ainsi ramener une stabilité dans la région. Le président n’a d’ailleurs jamais pris officiellement parti pour un camp ou l’autre [1].

Ayant été appelés à commenter la dernière vague de combats qui embrasa la région à l’automne, nous prédisions qu’en tant qu’acteur dominant de la région, la Russie garderait sa position de neutralité le plus longtemps possible, mais qu’au moment crucial, elle appuierait passivement l’Azerbaïdjan. Notre hypothèse se vit confirmée le 9 novembre tandis qu’un cessez-le-feu parrainé par la Russie vint consolider les gains azerbaïdjanais et la déroute arménienne. Pour autant, plusieurs commentateurs s’expliquent encore mal que la Russie ait tourné le dos à ses alliés historiques arméniens.

Selon nous, l’explication se trouve dans l’idée que se fait Moscou des relations internationales : l’administration Poutine défend une conception résolument réaliste des relations internationales, dans laquelle les considérations morales ou symboliques doivent faire place à la logique implacable de la realpolitik. Partant, les décideurs russes ont orienté leur décision en fonction d’un pur calcul politique de leurs intérêts à soutenir l’une ou l’autre des deux parties. Afin de présenter la logique de leur décision, nous suivrons le même processus et présenterons tour à tour les intérêts russes auprès de chacun des deux acteurs (Azerbaïdjan et Arménie), après quoi nous analyserons pourquoi les intérêts de la Russie en Azerbaïdjan ont ultimement prévalu dans l’esprit des décideurs du Kremlin.


La Russie et l’Azerbaïdjan

Tout d’abord, on insiste souvent sur le fait que la Russie fait figure de principal fournisseur d’armes pour les deux acteurs du conflit. Mais ce serait une simplification excessive de dire que les intérêts de la Russie en Azerbaïdjan ou en Arménie se résument à la seule vente d’armes. Certes, entre 2007 et 2011 environ 55% des armes achetées par l’Azerbaïdjan et 96% de celles achetées par l’Arménie provenaient de la Russie[2]. L’intérêt économique pour la Russie d’entretenir le conflit apparaît donc comme évident, et c’est sans parler du fait que le conflit offre une opportunité en or de faire valoir sa puissance régionale. Mais les considérations de la Russie dans la région sont aussi tributaires d’intérêts économiques et politiques majeurs.

Du point de vue économique, notons la découverte d’une très grande quantité de gaz naturel sur le territoire de l’Azerbaïdjan, ce qui entraîna son ascension en tant que puissance énergétique. Cette nouvelle source de richesse pour l’Azerbaïdjan lui permit de devenir autosuffisant sur les plans énergétique et économique, et donc de se libérer de sa dépendance envers la Russie dans ces domaines. De plus, le pays a été en mesure de se hisser au statut de rival de la Russie en tant que fournisseur de ressources énergétiques pour l’Europe [3].

Dans cette optique, on pourrait être porté à croire que la non-résolution du conflit au Haut-Karabakh servirait les intérêts de Moscou dans la mesure où il empêcherait l’Azerbaïdjan de contester son empire énergétique. C’est sans doute en partie le cas, mais la réalité est plus complexe. Dans un premier temps, l’Azerbaïdjan prit une position relativement ambiguë vis-à-vis de la Russie lorsqu’elle commença à se tourner vers des entreprises européennes telles que British Petroleum (BP) pour exploiter ses ressources et construire des oléoducs afin de les exporter vers l’Europe [4]. Mais à compter de 2009, l’entreprise russe Gazprom signa une série d’accords avec la société d’État azerbaïdjanaise responsable de l’exploitation des ressources énergétiques ; la Russie devenait ainsi un des principaux acheteurs des ressources de l’Azerbaïdjan [5]. Avec la Turquie, les trois États forment désormais un triangle énergétique qui, dans son architecture actuelle, permet à la Russie de garder une place de choix en tant que fournisseur énergétique de l’Europe. On peut donc voir que la Russie possède un intérêt économique certain en Azerbaïdjan depuis qu’elle prend part activement à l’exploitation des ressources énergétiques du pays.

Ensuite, durant la même période, un nouveau facteur politique poussa la Russie à porter une attention renouvelée à l’Azerbaïdjan : l’influence grandissante de la Turquie dans la région. Dernièrement, Ankara a orchestré un rapprochement avec l’Azerbaïdjan et, du fait de ses prises de position dans le conflit au Haut-Karabakh, a constitué une menace envers la position de force que revendique la Russie en tant qu’arbitre en chef du conflit. La Turquie agit à titre de grand frère de l’Azerbaïdjan ; après tout, les deux États partagent une histoire et une culture. Ainsi, la Turquie a, ces dernières années, conseillé et représenté politiquement son petit frère azerbaïdjanais sur la scène internationale et, à en croire les accusations internationales, aurait même envoyé des combattants se battre pour l’Azerbaïdjan [6]. Certes, la Turquie occupait déjà une place importante dans la région du Caucase de par sa participation au triangle énergétique complété par la Russie et l’Azerbaïdjan, mais ce n’est que récemment que la position de la Turquie dans la région est devenue menaçante pour la Russie.

La position de force de la Russie dans la région dépend de manière accrue du maintien de relations cordiales avec la Turquie [7]. Par conséquent, Moscou a tenté d’adopter une position plus résolument neutre sur la question du Haut-Karabakh, plutôt que de défendre, même passivement, les Arméniens, comme c’était le cas précédemment [8]. Malheureusement, de nouvelles tensions politiques surgirent entre la Russie et la Turquie en raison des conflits en Syrie et ailleurs au Moyen-Orient où les prises de positions russes s’opposaient frontalement à celles de la Turquie [9]. Dans tous les cas, la volonté de la Russie de demeurer l’acteur principal dans la région et d’y accentuer sa présence ne s’en est vu que renchérie.

On distingue donc deux intérêts primordiaux pour le Kremlin à soutenir Bakou : le maintien d’accords économiques avantageux pour la Russie et la possibilité d’un rapprochement avec la Turquie qui permettrait à Moscou non seulement de demeurer l’acteur principal dans la région, mais aussi de compter sur un allié de taille face à ses autres rivaux dans la région [10].


La Russie et l’Arménie

Les intérêts de la Russie en Arménie se présentent sous deux aspects géostratégiques inextricables : politico-militaires et économiques. Par ailleurs, ces deux aspects se renforcent l’un et l’autre alors que le Kremlin assoit sa position politique et militaire en Arménie par des leviers économiques et y maintient ses intérêts économiques grâce à des leviers géopolitiques.

Pour commencer, au centre des intérêts politico-militaires de la Russie en Arménie on retrouve la coopération militaire entre les deux États. Concrètement, celle-ci permet à la Russie de maintenir une présence militaire dans le Caucase du Sud, notamment par l’installation d’une base militaire forte de 3000 hommes dans la ville arménienne de Gumri [11]. Cette présence militaire en Arménie apparaît essentielle pour la Russie qui ne possède aucune autre base d’opérations dans la région transcaucasienne. Qui plus est, la barrière naturelle que constitue le Grand Caucase et l’instabilité politique chronique dans le Caucase du Nord rendent difficile toute opération dans la région en l’absence d’un pied-à-terre local[12]. La position stratégique en Arménie sert alors une double fonction politico-militaire : projeter la puissance de la Russie aux portes du Moyen-Orient pour y contenir l’influence croissante de la Turquie et de l’Iran [13] et maintenir la stabilité et la sécurité dans le Caucase du Sud [14]. Plusieurs spécialistes qualifient d’ailleurs l’Arménie de « poste avancé de la Russie » au Caucase [15].

Après, dire que Moscou garde une grande implication dans l’économie de l’Arménie relèverait de l’euphémisme ; on devrait plutôt parler d’une domination russe de l’économie arménienne et d’aucuns n’hésitent pas à qualifier l’Arménie d’« État vassal » de la Russie [16]. À partir de 1996, la Russie a participé activement au processus de privatisation de l’ancienne république soviétique, notamment en se portant acquéreuse de pans stratégiques de l’industrie énergétique arménienne [17]. De surcroît, à travers les années, l’Arménie a accumulé une dette importante envers la Russie. Cette dernière en fit son miel en proposant en 2002 un accord « propriété contre dettes », accord qui amputa Erevan du peu de souveraineté énergétique qui lui restait en cédant à des intérêts russes des centrales électriques importantes en échange d’une réduction de sa dette [18]. Cette situation dote le Kremlin d’un levier économique important en Arménie, en plus de consolider son empire énergétique en Eurasie.

Enfin, c’est à l’intersection de l’économie et de la géopolitique qu’on retrouve sans doute l’intérêt russe le plus important en Arménie : la maîtrise du transport des ressources de la mer Caspienne. Le Caucase se trouve au cœur des enjeux énergétiques de la région : il constitue le corridor par lequel les ressources de la Caspienne doivent nécessairement passer pour atteindre le marché européen [19]. Ces dernières années, l’Azerbaïdjan, nous en parlions plus haut, s’est hissé au rang de puissance énergétique ayant le potentiel de menacer le monopole russe dans la région. Contrôler l’accès au bassin de la mer Caspienne devint conséquemment une préoccupation majeure du Kremlin [20].

Grâce à sa présence militaire et à ses leviers économiques en Arménie, la Russie a réussi à se garder une place de choix dans le tracé des routes de transport des ressources de la mer Caspienne vers l’Europe, s’assurant qu’aucune ne contourne son territoire [21]. À titre d’exemple, en 2009, lorsque l’Arménie entama la construction d’un gazoduc transportant du gaz naturel iranien sur son territoire afin de diversifier ses sources d’approvisionnement, Moscou usa de ses leviers économiques pour vérifier que le diamètre du gazoduc ne puisse pas permettre son rallongement éventuel vers l’Europe, garantissant ainsi que la route reliant la Caspienne à l’Europe passe par la Russie [22].

En résumé, même si une coopération accrue avec l’Azerbaïdjan comporte des avantages économiques certains pour Moscou, la position de Bakou par rapport à la Russie a toujours semblé ambiguë ; en contrepartie, l’Arménie représente le seul appui sûr et continu de la Russie dans la région cruciale du Caucase du Sud [23]. En outre, grâce à ses canaux d’influence en Arménie, le Kremlin peut contrôler le transport des ressources de la mer Caspienne sans devoir faire affaire directement avec l’Azerbaïdjan.


Les Arméniens sacrifiés ?

Il convient de rappeler une évidence : on ne doit pas surestimer le rôle potentiel de la Russie dans le conflit. Ultimement, le conflit oppose des Arméniens et des Azéris sur un territoire appartenant de jure à l’Azerbaïdjan. Comme le rappelle Anahit Shirinyan, une spécialiste du conflit, dans le cas où les deux parties voudraient s’entendre, la Russie ne pourrait faire obstacle à un règlement du conflit, et dans le cas où elles refuseraient tout compromis, la Russie ne pourrait les forcer à entendre raison [24].

Aussi, le conflit est souvent dépeint comme opposant deux visions du droit international : la première priorisant le droit d’autodétermination des peuples et la seconde préférant l’intégrité territoriale. En vérité, il s’agit là d’un faux dilemme : l’intégrité territoriale a toujours eu préséance sur l’autodétermination des peuples en droit international. D’autre part, ce dernier droit n’est reconnu que dans certaines situations particulières au processus de décolonisation [25] et celles-ci ne s’appliquent pas au cas du Haut-Karabakh. Par ailleurs, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations unies ont appuyé plusieurs fois cette lecture du droit international par rapport à la situation spécifique du Haut-Karabakh [26].

Les évènements d’octobre ont forcé la Russie à prendre position un peu plus clairement dans le conflit, et, à la surprise de plusieurs, Moscou ne vint pas à la rescousse des Arméniens : le cessez-le-feu signé le 9 novembre sous l’égide du Kremlin donne nettement l’avantage à l’Azerbaïdjan. Mais cette décision surprend peu lorsqu’on l’analyse sous l’angle du réalisme, soit la doctrine que privilégie le Kremlin dans sa politique étrangère. Qu’on nous comprenne bien, ce n’est pas que nous souscrivions personnellement à la vision réaliste des relations internationales, cependant, à notre sens, un acteur international persuadé de la justesse de la théorie réaliste orientera sa politique étrangère en conséquence. Ainsi, d’un point de vue réaliste, il allait de soi que la Russie priorise ses intérêts économiques et géopolitiques en Azerbaïdjan, et ce, non seulement pour se rapprocher de Bakou, mais aussi pour renforcer ses liens avec Ankara.

La Russie défend une conception du système international polycentrique dans lequel elle représente une puissance régionale ; le Caucase fait donc partie de sa chasse gardée. La stratégie réaliste a permis à la Russie de conserver sa position de puissance dans la région, notamment en la rapprochant d’autres puissances régionales comme la Turquie [27]. Ainsi, en suivant un raisonnement réaliste, la Russie avait tout intérêt à augmenter son influence auprès d’Ankara à travers un soutien à l’Azerbaïdjan.

Il est vrai que les relations entre Bakou et Moscou ont parfois été ambivalentes, ce qui pose la question du réel potentiel d’une coopération durable entre les deux États, mais d’un autre côté, l’Azerbaïdjan n’a jamais adopté une position explicitement pro-occidentale ou antirusse [28]. À l’inverse, la dépendance de l’Arménie envers la Russie est d’une telle ampleur qu’on voit difficilement Erevan se détourner de Moscou. Pour citer un quotidien arménien : « l’Arménie est pour la Russie une épouse dévouée que l’on peut tromper sans plainte de sa part [29] ». Aussi cynique que cela puisse paraître, les intérêts russes en Arménie ne couraient aucun danger, peu importe la position que la Russie allait adopter dans le conflit, et cette dernière n’aurait obtenu aucun avantage supplémentaire à se positionner clairement en faveur de l’Arménie. En contrepartie, un soutien à l’Azerbaïdjan amenait tous les avantages invoqués plus haut (maintien des accords commerciaux bilatéraux, stabilisation de la région, influence sur les politiques énergétiques azerbaïdjanaises et rapprochement avec la Turquie) sans risquer de perte majeure d’influence en Arménie. D’ailleurs, le cas échéant, la Russie possède des leviers économiques suffisants pour faire fléchir le gouvernement arménien à sa guise.

Nous accordons qu’une action de soutien à l’Arménie de la part de la Russie aurait joui d’un appui tacite de la plupart des pays de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cela étant dit, l’Occident ne possède aucun intérêt important dans la région, c’est pourquoi le soutien occidental à l’Arménie demeure de nature informelle. Cependant, un soutien sans équivoque à Erevan aurait considérablement entaché les relations de la Russie avec la Turquie. Or, comme nous l’avons déjà dit, les relations qu’entretient Moscou avec Ankara revêtent une importance particulière, surtout depuis que les pays de l’Ouest ont mis la Russie à l’index après l’annexion de la Crimée en 2014. La Turquie apparaît comme une puissance moyenne pouvant faire front commun avec la Russie sur plusieurs enjeux importants, lui donnant ainsi un poids supplémentaire sur la scène internationale contre les États-Unis et l’UE [30]. Corollairement, en se rangeant derrière Bakou, Moscou se rapprochait de la Turquie sans dégrader ses relations avec l’Occident. C’est donc de dire qu’encore une fois, la Russie avait tout à gagner et rien à perdre à soutenir l’Azerbaïdjan.

En fin d’analyse, le cessez-le-feu du mois de novembre constitue un véritable tour de force pour Moscou. En plus de consacrer en quelque sorte la victoire azerbaïdjanaise en garantissant l’évacuation des populations arméniennes de plusieurs territoires du Haut-Karabakh [31], il permet le stationnement de 2000 soldats russes dans la région pour une période de 5 ans afin de garantir le respect de l’accord, renforçant ainsi la position stratégique du Kremlin dans le Sud Caucase [32]. Il s’agit là du scénario idéal : la Russie a réussi à soutenir l’Azerbaïdjan tout en minimisant le plus possible les pertes du côté arménien et elle préserve ou conforte tous ses intérêts dans la région.


Pas de règlement définitif à l’horizon

Cet article visait à mettre en lumière les intérêts politiques, économiques et stratégiques ayant pesé dans la décision de la Russie de tourner le dos à ses alliés traditionnels arméniens dans le conflit au Haut-Karabakh. Cette décision était tout simplement la conclusion logique du calcul coût-bénéfice qu’implique la rationalité étatique posée par la doctrine réaliste privilégiée par l’administration Poutine : en soutenant l’Azerbaïdjan, la Russie consolidait sa puissance dans la région tout en limitant ses pertes. Elle maintenait ses avantages multiples auprès des acteurs régionaux sans devoir sacrifier d’importants intérêts nationaux. Ceci étant dit, cet état de fait demeure fragile. Bien qu’un cessez-le-feu soit entré en vigueur le 10 novembre dernier, le conflit reste loin d’une résolution finale, il n’est que repassé dans une phase « gelée ». Bien que cette situation ne déplaise pas à Moscou, les deux belligérants demeurent insatisfaits de la situation au Haut-Karabakh et, à moins de changements majeurs, il y a fort à parier que les combats reprendront plus tôt que tard. Du reste, la débâcle arménienne a créé une crise politique interne qui pourrait menacer l’équilibre du pays, voire de la région [33]. Tant de problèmes qui assurent que la Russie conservera un rôle actif dans la région pour plusieurs années encore.



 

Bibliographie

[1] Ana Daskalova. « Problem or Solution ? Russia’s Role in the Nagorno-Karabakh Conflict » [Problème ou solution ? Le rôle de la Russie dans le conflit au Haut-Karabakh], E-International Relations, en ligne, 19 octobre 2015, p. 3–6, <https://www.e-ir.info/pdf/59106>. [2] Anahit Shirinyan, « Assessing Russia’s Role in Efforts to Resolve the Nagorno-Karabakh Conflict : From Perception to Reality » [Évaluer le rôle de la Russie dans la résolution du conflit au Haut-Karabakh : entre perceptions et réalité], Caucasus Edition : Journal of Conflict Transformation, en ligne, février 2013, 10 p., <https://caucasusedition.net/assessing-russias-role-in-efforts-to-resolve-the-nagorno-karabakh-conflict-from-perception-to-reality/>. [3] Inessa Baban, « Azerbaïdjan : la Russie quand même », Outre-Terre, vol. 27, no 1 (2011), p. 330. [4] Nona Mikhelidze, The Azerbaijan-Russia-Turkey Energy Triangle and its Impact on the Future of Nagorno-Karabakh [Le triangle énergétique Azerbaïdjan-Russie-Turquie et son incidence sur le futur du Haut-Karabakh] (Documenti IAI 1018), Rome, Instituto Affari Internazionali, 2010, p. 6. [5] Idid., p. 7. [6] Étienne de Floirac, « Conflit au Haut-Karabagh : le point de vue de l’Azerbaïdjan », Conflits, en ligne, 8 octobre 2020, <https://www.revueconflits.com/haut-karabagh-guerre-armenie/>. [7] Fiona Hill, Omer Taspinar et Tatiana Kastouéva-Jean, « La Russie et la Turquie au Caucase : se rapprocher pour préserver le statu quo ? », Politique étrangère, hors-série, no 5 (2007), p. 155–156. [8] Ibid., p. 162–163. [9] Lucie-France Dagenais, Les relations Turquie-Russie (1992–2016) : une géopolitique de l’espace Pontique à nouveau sous la loupe (notes de recherche no 1), Montréal, Observatoire de l’Eurasie du Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation, 2017, p. 28–29. [10] Hill, Taspinar et Kastouéva-Jean, op. cit., p. 157–158. [11] Tracey German, « The Nagorno-Karabakh Conflict between Azerbaijan and Armenia : Security Issues in the Caucasus » [Le conflit au Haut-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie : les enjeux sécuritaires dans le Caucase], Journal of Muslim Minority Affairs, vol. 32, no 2 (2012), p. 218. [12] Alec Rasizade, « L’imbroglio du Karabakh : une perspective azérie » (traduit par l’auteur), Les Cahiers de l’Orient, vol. 101, no 1 (2011), p. 95. [13] Gaïdz Minassian, Arménie, avant-poste russe au Caucase ? (Russie.Nei.Visions no 27), Paris, Institut français des relations internationales, 2008, p. 7 ; Rasizade, op. cit., p. 92. [14] Sergueï Minassian, « Vnechniaïa politika postsovetskoï armenii : 20 let odnovremenno na neskolkikh stouliakh » [La politique étrangère de l’Arménie postsoviétique : 20 ans assis entre deux chaises], Mirovaïa ekomomika i mejdounarodnye otnochenia, vol. 57, no 1 (2013), p. 88. [15] G. Minassian, loc. cit. ; Gulshan M. Pashayeva, « The Nagorno Karabakh Conflict in the Aftermath of the Russia-Georgia War » [Le conflit au Haut-Karabakh au lendemain de la deuxième guerre d’Ossétie du Sud]. Turkish Policy Quarterly, vol. 8, no 4 (2010), p. 59 ; Hélène Carrère d’Encausse, « La CEI : grande famille ? zone d’influence ? », in La Russie entre deux mondes, p. 109–143, coll. « Pluriel », Paris, Librairie Arthème Fayard, 2010, p. 130. [16] Wojciech Bartuzi, Katarzyna Pełczyńska-Nalecz et Krzysztof Strachota, Abkhazia, South Ossetia, Nagorno-Karabakh : Unfrozen Conflicts between Russia and the West [L’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, le Haut-Karabakh : conflits dégelés entre la Russie et l’Ouest] (Special Report), Varsovie, Ośrodek Studiów Wschodnich, 2008, p. 3 et 7 ; G. Minassian, op. cit., p. 4, 8–9. [17] Taline Papazian, « State at War, State in War : The Nagorno-Karabakh Conflict and State-Making in Armenia, 1991–1995 » [État en guerre, État dans la guerre : le conflit du Haut-Karabakh et la construction de l’État en Arménie, 1991–1995], The Journal of Power Institutions in Post-Soviet Societies, en ligne, no 8 (2008), p. 14, <https://journals.openedition.org/pipss/1623>. [18] G. Minassian, op. cit., p. 9. [19] Pashayeva, loc. cit. [20] Carrère d’Encausse, op. cit., p. 123. [21] Wendy Betts, « Third Party Mediation : An Obstacle to Peace in Nagorno Karabakh » [Médiation d’une tierce partie : un obstacle à la paix au Haut-Karabakh], SAIS Review, vol. 19, no 2 (1999), p. 172. [22] G. Minassian, op. cit., p. 8. [23] S. Minassian, « Poisk stabilnosti v Karabakhskom konflikte : Mejdou konventsionalnym “oustracheniem” i polititcheskim sderjivaniem » [Recherche de stabilité dans le conflit au Haut-Karabakh : Entre “intimidation” conventionnelle et dissuasion politique], Rossia v globalnoï politike, vol. 10, no 1 (2012), p. 152–153 ; Id., « Vnechniaïa politika postsovetskoï armenii », op. cit., p. 88. [24] Shirinian, loc. cit. [25] Theodore Christakis, « Self-Determination, Territorial Integrity and Fait Accompli in the Case of Crimea », Heidelberg Journal of International Law, vol. 75, no 1 (2015), p. 75, 80–81. [26] S/RES/822 (1993) ; S/RES/853 (1993) ; S/RES/874 (1993) ; S/RES/884 (1993) ; A/RES/62/243 (2008). [27] Céline Marangé, « La posture international de la Russie depuis l’annexion de la Crimée », Questions internationales, no 101 (janvier-février 2020), p. 71 ; Shirinyan, loc. cit. [28] Markedonov, « Haut Karabakh, l’embrasement », Le Monde diplomatique, no 800 (novembre 2020), p. 12 ; S. Minassian « Poisk stabilnosti v Karabakhskom konflikte », op. cit., p. 153. [29] 168jam (Erevan), 6 mars 2007, cité dans G. Minassian, op. cit., p. 19. [30] Marangé, op. cit., p. 68, 71–74. [31] Benoît Vitkine et Rémy Ourdan, « “Nous avons surestimé nos capacités” : dans le Haut-Karabakh, la débâcle de l’Arménie ». Le Monde (Paris), en ligne, 20 novembre 2020, <https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/20/nous-avons-surestime-nos-capacites-dans-le-haut-karabakh-la-debacle-de-l-armenie_6060507_3210.html>. [32] Paul Tavignot, « Haut-Karabakh : les Azerbaïdjanais s’inquiètent du retour des Russes », Le Monde (Paris), en ligne, 23 novembre 2020, <https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/23/haut-karabakh-les-azerbaidjanais-s-inquietent-du-retour-des-russes_6060830_3210.html>. [33] Vitkine et Ourdan, loc. cit.

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